Биография История Дискография Мелодии Фан-клуб Ссылки На главную
 

Paris-Match no.990 (France) 1968/03/30

ACTUALITÉS: MUSIQUE: AVEC "L'AMOUR EST BLEU" PAUL MAURIAT PREND LA TÊTE DU HIT-PARADE
by Louis Séranne (Disques Philips)


Ce n'est pas une galéjade. A quarante-deux ans, le Marseillais Paul Mauriat a été, pendant plusieurs semaines, le n° 1 aux hit-parades américain et canadien. Dans l'histoire des variétés, c'est la première fois qu'un Français s'assied sur ce "trône" envié. Il a suffi d'une chanson. Elle s'intitulait "L'amour est bleu". Une bluette de cent cinquante-deux secondes sur des paroles de Pierre Cour et une musique d'André Popp. Paul Mauriat en avait assuré l'orchestration. En France, elle était passée inaperçue et elle avait émigré comme tant d'autres. Pour elle, les traducteurs américains ne font pas un grand effort d'imagination. "L'amour est bleu" devient "Love is blue". Mais voilà qu'un jeune disc-jockey s'en entiche. Bientôt toutes les chaînes américaines lui emboîtent le pas. Tous les haut-parleurs de Broadway la diffusent à longueur de journée. Et, pendant trois semaines, elle est n° 1 au "Cash-box" et au "Bill-board", le baromètre et le thermomètre américains du succès.

A QUATRE ANS DEVANT UN PIANO

Paul Mauriat ne croyait plus au miracle. Ce grand garçon anguleux, dégingandé, cheveu fin et plat, moustache courte, on l'a assis devant un piano à quatre ans. Famille de musiciens. Conservatoire. Paul sera virtuose. Mais, à dix-sept ans, une rencontre avec le jazz balaiera tous ces projets. Bientôt Paul Mauriat fonde son orchestre et lui fait visiter tous les cabarets et music-halls d'Europe. Il apprend son métier sur le tas. La composition, l'orchestration l'attirent à Paris. La chance et le goût du risque font le reste. Ce "couturier" de la portée musicale crée le style Paul Mauriat. Il sera, pendant six ans, l'orchestra-teur attitré de Charles Aznavour. Il est aujourd'hui le directeur musical de Mireille Mathieu.

LE TRIOMPHE DE L'ORCHESTRATEUR

Pendant dix jours, les Américains ont fait à leur invité une réception à l'américaine. Paul Mauriat a été la vedette des deux plus grands shows télévisés: le "Ed Sullivan Show" et le "Joe Bishop Show". Cachet: 2 000 dollars. Il a été fêté à New York, à Chicago, à San Francisco, au Canada. Les journalistes, les producteurs sont venus de partout pour le rencontrer. En trois semaines, on a vendu 500 000 albums Paul Mauriat de 30 centimètres et 1 500 000 "Love is blue" en 45 tours. Deux records de vente qui vaudront à Paul Mauriat les deux disques d'or.

Mais son triomphe ne lui a pas fait perdre son sang-froid. Ni son flegme. Paul Mauriat est surtout satisfait qu'on rende enfin justice aux orchestrateurs. Ces parents pauvres et souvent anonymes de la "grande famille" de la chanson. Quand on demande à Paul Mauriat s'il a une autre passion que la musique, il répond: "Les échecs..." Décidément le succès ne lui a pas fait perdre le goût de la galéjade.

La Presse (Canada) 1969/04/23

Variétés: Paul Mauriat ou les violons au pouvoir!

PAUL MAURIAT ET UN ORCHESFRE DE 27 MUSICIEN. A L'ARENA MAURICE-RICHARD. FREMIÈRE HIER SOIR
par René Homier-Roy


La plus grande vertu d'un orchestre, c'est sa sonorité. I.e plus grand défaut du concert que dirigeait hier soir Paul Mauriat, c'était précisément l’acoustique pour le moins discutable de l'Arena Maurice-Richard. D'autant que les fans de ce genre de musique (le "son" Mauriat est célèbre) recherchent précisément une ambiance, un esprit bien plus qu’un spectacle. On ne leur a donné, hélas, ni l'un ni l'autre.
Il me faut cependant dire tout de suite que cette forme de spectacle me parait bien désuète, bien inutile, encore plus que les concerts d'orchestres symphoniques ou les récitals d’instrumentistes, qui eux ont au moins l'avantage d’être donnés dans les meilleures conditions possibles et de presenter a chaque fois un défi aux exécutants. Les promoteurs de la soirée d'hier (on ne représentera ce concert, a Montréal, qu’une autre fois, soit samedi soir) avaient de toute évidence choisi l’Arena Maurice-Richard pour ses possibilités d'accueillir beaucoup plus de monde que la salle Pelletier de la Place des Arts (au moins le double). Mais si celte manoeuvre assure la rentabilité du spectacle — il y avait bien là de 3 a 4,000 personnes — elle prive par contre ceux qui s'y rendent de ce qui leur plait vraiment chez Paul Mauriat D'autant pins que les musiciens qui forment son orchestre pour la circonstance ne sont, pas — a part quatre d'entre eux — scs musiciens habituels, mais bien plutôt des musiciens américains embauchés pour les besoins de la tournée. Do même pour les trois chanteuses, qui ne valent pas, à mon avis, celles qu'emploie d’habitude le "maître".
Mais ce spectacle n'avait pas que des défauts. Paul Mauriat a bien sûr interprété toute la série de ses succès — "La Chanson de Lara", "Mirabella", "When a Man Ioves a Woman", "Mrs Robinson", "Si tu revenais", "le Temps des fleurs" et, bien sur, "L'amour est bleu". Avant, pendant et après chaque chanson, Paul Mauriat répondait par un salut profond chaque fois quo la salie applaudissait — mémo quand il était a interpréter "Hey Jude", qui peutêtre appartient davantage a un jeune groupe anglais vaguement célèbre...
Le plus grave reproche qu'on puisse faire a la musique de Paul Mauriat — et je n'irai pas, comme un de mes camarades, jusqu’à l'assimiler à "Muzak" — c'est de posséder presque toujours le même "patterne" sonore, d'utiliser tant et plus les mêmes instruments de la même manière, sans trop de recherche et sans trop d'imagination. Bien sûr c'est bien fait, habile, solide même. Mais il manque à la musique do Paul Mauriat la même qualité qui fait défaut à son spectacle: un grain de folie, un peu de piquant, un lirai de surprise. Il y avait bien ce musicien bouffon — Gaston — parfois très drôle, mais qui, comme son maitre, coupait tous ses effets en reprenant sagement toutes ses blagues et toutes ses explications en anglais. Je ne sais pas si on a dit à Paul Mauriat que même si sa tournée américaine se terminait a Montréal, cette dernière ville ne faisait pas encore (toût à fait) partie des Etats-Unis d'Amérique.

"Télé 7 jours", No. 484 (France) August 1969

ACTUALITÉS: PAUL MAURIAT EST DANS LE BAIN


Il a voulu imiter David Niven dans le film «Le Cerveau». Et il s'est retrouvé, sans le vouloir, dans... la piscine. Venu à Cannes pour enregistrer «Eté-show», une émission qui sera diffusée par toutes les TV européennes de langue française» le chef d'orchestre Paul Mauriat («Love is blue») a pris un bain involontaire au Palm Beach. Mais musique oblige: un bain à trois temps.

La Presse (Canada) 1969/04/24

MAÎTRE PAUL MAURIAT PARMI NOUS


Paul Mauriat était venu, il y a un peu plus d’un an, pour mousser un peu la publicité de son gigantesque succès d’alors, "L’amour est bleu". Cette année, c’est supporté par son même succès qu’il nous est revenu, mais cette fois il n’était pas let de loin!) seul: avec lui, les 27 musiciens de son orchestre (quatre Français et 23 américains recrutés à New York), trois chanteuses (américaines elles aussi) et, bien sûr. Madame Mauriat, qui suit, dit-on son mari dans toutes ses tournées.
En France, il arrive encore que des gens, qui connaissent pourtant le nom de Paul Mauriat, disent de lui qu’il est l’accompagnateur d’Aznavour. Ce qu’il a été longtemps. Mais c’était avant "L’amour est bleu". Depuis, c’est "le maître" (comme l’appellent les gens de sa maison de disque) qui tient la vedette partout où il passe. Et comme toutes les vedettes, il doit répondre aux questions plus ou moins brillantes, plus ou moins piégées qu’on lui pose.
Ainsi, lors de la conférence de presse qu’il accordait lundi dernier, il a parlé de politique (ça le passionne), d e musique de film (il en fait à l’occasion, et il tient Michel Legrand pour la plus grande valeur en ce domaine), du jazz (il rêve d’en endisquer, en y intégrant ses célèbres violons (!), d’astrologie (il est Poisson), de son rythme de travail (quatre albums populaires, vendus à l’avance, chaque année, plus un disque "de recherche" pour faire different; mais ceux-là se vendent aussi bien que les autres), et de sa retraite prochaine (il veut cesser de travailler dans deux ans pour se consacrer à autre chose, comme par exemple la musique de films). Et tout ça avec un large sourire, poliment, gentiment. Après son spectacle de mardi à Montréal, il devait aller en province avant de revenir (samedi) et de repartir pour Toronto.
 


Touma, le journal de tout Marseille # 50 (France) 1970/10/19

A la tête de son grand orchestre, il est, depuis trois ans, considéré comme le numéro un dan s le domaine des variétés. L'Amérique, le Japon, le Canada lui ont fait autant de triomphes.

PAUL MAURIAT: UN MARSEILLAIS QUI FAIT RECETTE DANS LE MONDE ENTIER
Un reportage de Jean-Lucien Laurent

Il est déjà loin ce temps où il faisait les beaux soirs du Vamping, à Marseille. Un jour, pour aller plus haut et plus loin, il lui a fallu, à regret certes, s'arracher à sa ville natale pour obtenir une gloire qui soit à la mesure de son talent. Comme beaucoup, il est "monté" à Paris. Mais au contraire de beaucoup, il ne s'est pas cassé les reins. Bien au contraire. Dans la fulgurante ascension de Paul Mauriat, Paris n'est plus qu'une étape sur la route de sa gloire. Depuis 1968, depuis l'étonnante aventure de "L'amour est bleu" il se permet d'aller battre les Américains sur leur propre terrain : celui des variétés où, pourtant, ils sont passés maîtres, et de demeurer fréquemment No 1 au hit-parade, pendant plusieurs mois. Mais le phénomène Mauriat ne s'en tient pas là. Désormais, son champ d'action - à la tête de son grand orchestre de 45 musiciens - est à l'échelle de la planète: le Japon, le Canada, le Mexique, l'Australie. l'Angleterre ont fait ou font des triomphes aux enregistrements du chef d'orchestre français. Réconciliant le sens de la mélodie et le goût du rythme, il y a à présent un "style Paul Mauriat". Tandis que nos idoles s'escriment à adapter les succès d'outre Atlantique, ou plagient les formations d'outre-Manche, un paisible quadragénaire est en train d'imposer au monde entier son style à la française! C'est le monde à l'envers!

Chaque soir: 7000 spectateurs a Yokohama
La tournée au Japon de Paul Mauriat et son orchestre a été pendant deux semaines une suite de triomphes auprès d'un public en majorité composé de jeunes. Cette salle de concert contient 7000 places : elle était pleine tous les soirs. Après chaque concert, le compositeur était assailli par ses nouveaux " fans " aux yeux bridés, et dut distribuer des dizaines de milliers d'autographes, certains faisant dédicacer leurs chemises ou même leur peau. Son style puissamment rythmique, qui est un élément caractéristique de l'écriture musicale de Paul Mauriat, a emballé les Japonais. Il faut dire que Paul n'est pas le premier musicien venu. Il a commencé à jouer du piano à 4 ans, avec son père, musicien lui aussi.

L'amour est bleu" 5.000.000 de disques vendus dans le monde
C'est de 1968 aue date la célébrité internationale de Paul Mauriat. A cette époque, il enregistra une chanson d André Popp et Pierre Cour: "L'Amour est bleu" qui fut un succès moven. jusqu'au jour où elle fit un triomphe aux U.S.A. sous le nom de "Love is blue". Paul Mauriat en a vendu 3.000.000 d'exemplaires aux Américains ! Cela valait bien un disque d'or qui lui a été remis. On le voit ici (photo de gauche) en compagnie de Pierre Cour, le parolier (à g.) et André Popp, l'auteur, (à dr). Ce triomphe fut à la base du succès mondial e l'orchestre qui le conduisit au Japon (on voit, au centre, le chef français en compagnie d'une chanteuse célébré dans son pays); et aux U.S.A., où il participa au célèbre "Ed Sullivan Show" l'émission T.V. la plus célèbre aux States, celle-là même avec laquelle Mireille Mathieu conquit l'Amérique en une nuit: elle réunit 60 millions de téléspectateurs!

Les tubes de Mireille Mathieu sont signes Paul Mauriat
Tout en dirigeant son "Grand Orchestre" à cordes, qu'il a créé en 1965 et qui, dit-il "lui donne le sentiment d'une complète liberté", Paul Mauriat n'a cessé d'être pendant 3 ans, le directeur musical de Mireille Mathieu. Elle lui doit des succès comme "Mon Credo", "Seuls au monde" Pourquoi mon amour", "Quand on revient", "Chariot" "Viens dans ma rue", et bien d'autres... Aujourd'hui, quand leurs tournées se croisent... en Amérique, Mireille et Paul sont heureux de se retrouver un moment ensemble. L'Amérique est devenue une sorte de deuxième patrie pour Paul Mauriat. Au début de ce mois, il vient de s'envoler pour une tournée de sept semaines aux U.S.A. et au Canada, et en 1971, ce sera le tour de l'Afrique du Sud, de l'Amérique Latine, le Japon, et encore l'Amérique du IMord. Une tournée aux U.S.A. en automne, chaque année, lui semble une bonne habitude à prendre.

Avec Aznavour: six ans de collaboration et 120 succes
Paul Mauriat a orchestré plus de 120 chansons pour Charles Aznavour, qui en musicien, a su très tôt reconnaître la classe du compositeur-chef d'orchestre marseillais et s'attacher sa collaboration. Les deux hommes sont d'ailleurs toujours très liés, comme le prouve cette photo (à g.). L'amitié est une fleur que cultive Paul Mauriat. Bien qu'il n'ait jamais composé pour lui, il est très lié avec Enrico Macias. Quand un compositeur rencontre un autre compositeur... (photo du centre). Mais son admirateur No 1 reste, sans conteste, sa femme Irène (photo de droite), une fille du Sud-Ouest qu'il épousa bien avant de devenir Paul Mauriat. Le chef d'orchestre vient d'être choisi par Son Altesse le Prince Saddrudin Aga Khan, Haut-Commissaire pour les Réfugiés (ONU), pour être l'un des cinq membres du comité d'honneur chargé de le conseiller dans la préparation du prochain disque "World Star Festival".



La Presse (Canada) 1970/11/23

PAUL MAURIAT À LA PLACE DES ARTS (photo)


Paul Mauriat, dont les enregistrements avec son orchestre sont déjà largement répandus, sera à la tête de 25 musiciens lors d’un concert qu’il présentera demain et après-demain à la salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts.

La Presse (Canada) 1970/11/25

variétés: Paul Mauriat et son orchestre-technicolor

PAUL MAURIAT ET SON GRAND ORCHESTRE, À LA SALLE WILFRID-PELLETIER DE LA PLACO DES ARTS HIER SOIR ET CE SOIR
par Yves Leclerc


Paul Mauriat, c'est une chose. Son orchestre, une autre.
Le premier, jambes minces, reins cambrés, petite moustache bien taillée, costume bien coupé en deux tons de gris, semble sortir tout droit d’une opérette d’Offenbach.
Le second, occupant tout le fond de la scène de ses instruments multicolores et rutilants, vêtu ici de mauve, là de noir, là de robes fleuries, est dans la plus belle tradition de la comédie musicale à la Rodgers & Hammerstein telle, qu’on la voit dans les superbonbons d’Hollywood.
Et le contraste entre les moment on peut imaginer qu'en réalité Mauriat est seul sur la scène. L’orchestre n’est que l’effet d'un film en technicolor et cinémascope projeté sur un invisible écran derrière, et c'est le chef qui doit régler le rythme de ses gestes sur la musique pré-enregistrée des musiciens imaginaires.
C’est une sorte de trompe l'oeil à l’envers: là où il y a trois dimensions, on ne nous en fait percevoir que deux. Le résultat n’est pas sans rappeler les techniques employées aux spectacles de Laterna Magika à Terre des Hommes... mais dans le sens contraire. Eventuellement, bien sûr, on se rend compte que l'orchestre est réel. Hélas, peut être. En effet, aucun réalisateur hollywoodien de technicolor-cinémascope ne permettrait des attaques aussi mal réglées, ne tolérerait des voix qui ont une tendance à se promener un demi-ton sous la normale.
On peut être d’accord ou pas sur le genre de musique que fait Mauriat, mais une chose est sure: la qualité essentielle de ce style est son impeccable, presque mécanique précision d’exécution. On pardonne quelques bavures à des jazzmen ou à des musiciens rock qui nous offrent dos improvisations échevelées, Mais il est impossible d'être aussi indulgent envers des exécutants qui nous lieront des orchestrations aussi léchées et sans surprises.
Paul Mauriat est un habile arrangeur, plutôt qu’un compositeur brillant ou adroit: ce qu’il nous présente de ses propres oeuvres ne retient pas particulièrement l’attention, et c'est d'abord quand il adapte les chansons des Beatles, de David et Bacharach, de Michel Legrand qu’il réussit à capter l’intérêt de son auditoire. On a peut-être tendance à oublier que "L’amour est bleu" avait d'abord été écrit par André Popp.
Sa façon de manier l’orchestre est on ne peut plus conventionnelle, mais elle porte la marque de l’intelligence, et souvent du goût. Il connaît son métier, et il fait même preuve d’imagination dans le cadre étroit qu’il s’est imposé.
Le résultat est une musique qui plaît au public sans l’exciter, l'émouvoir ou l’agacer. Un chef-d'oeuvre d’audition béate et satisfaite. Les fautes de l'ensemble, même flagrantes, ne sont pas parvenues à entamer l’enthousiasme d’une salle comble qui applaudissait encore chaleureusement quand je suis sorti.
Enfin, dernier élément à mentionner, les numéros comiques de "Gaston", le bouffon de service: loufoqueries musicales, imitations, erreurs voulues et calculées qui ont sinon de la finesse du moins lo mérite de dérider de temps à autre un public qui aurait probablement trouvé indigestes deux heures d’orchestre sans aucun assaisonnement.

"Le Monde" 1984/01/09

"PAUL MAURIAT, LE FRANÇAIS QUI FAIT VENDRE"
par Roland-Pierre Paringaux


Sur les télévisions nippones, à l'heure de la pub, un aimable quinquagénaire grisonnant trace de la main quelques arabesques devant l'azur d'un ciel de Provence et dit, en version originale et accent marseillais : "Le café, c'est ma musique".

C'est Paul Mauriat. Paul Mauriat et son Grand Orchestre, qui s'en souvient au pays? Mais au Japon il est l'un des deux Français qui font vendre, l'autre étant Alain Delon - le samouraï – qui apparaît quotidiennement sur des millions d'écrans pour faire, volant en mains, la promotion d'un fabricant de voitures japonaises. Message simple: même le numéro un du cinéma français roule japonais.
Pour Paul Mauriat, l'oreille nippone, que l'on dit pourtant plus musicale que celle des Français, aime les succès que distillent dans leur manière claire, nette et proprette, ses cuivres et ses violons. On en redemande d'un bout à l'autre de l'archipel, et pas seulement dans la mégapole Tokyo-Nagoya-Osaka. Les publicitaires n'ont pas pour habitude de jeter leurs millions de yens en l'air et surtout pas, quoiqu'on dise, pour les beaux yeux de la France. Et s'ils misent sur Paul Mauriat, c'est que, depuis treize ans, il fait salle comble. Quelques lignes dans un coin de journal ont suffi pour que les billets des cinquante-quatre concerts de sa treizième tournée, fin 1983, soient vendus en trois jours.
Dans un contexte de guerre commerciale, où la France est en retard de quelques victoires - exception faite du camembert et du cognac – et où les Japonais nous reprochent notre manque de sérieux et la faiblesse de nos prestations sur leur marché, un tel succès a de quoi étonner, surtout face au déferlement "culturel" des variétés américaines.
Bien souvent le Japon attend, pour s'intéresser, la consécration occidentale. Le coup de foudre pour Paul Mauriat éclate par ricochet, en 1969, quand l'une des mélodies du compositeur marseillais devient un tube au hit-parade américain. C'est Love is blue, l'Amour bleu. Première tournée : "Dix-huit concerts, ça marche bien mais sans plus, raconte Paul Mauriat. En 1970, nous ne revenons pas, mais en 1971 je signe pour trente-cinq prestations. Tout est réservé en quelques jours. Depuis, nous sommes là chaque année et nous avons toujours joué devant des salles bourrées de jeunes, même en province". Lui-même est surpris, et redoute "que ça ne dure pas". "Ma génération, dit-il, connaissait surtout le Japon de Pearl Harbour, j'ai découvert un peuple romantique, qui, je crois, aime aussi dans ma musique et dans notre travail sur scène le côté méticuleux et complet".
Comme d'autres musiciens, autrement plus frénétiques, il n'échappe pas au conformisme poli et au manque de spontanéité du public japonais. "Au début, on est dérouté, surtout après les publics latins et américains, qui manifestent leurs sentiments pendant le concert. Ici, ça ne se produit jamais. "Il parle des jeunes filles, émues par ses violons, qui pleurent discrètement, le nez dans leur bouquet sans oser l'aborder, et des jeunes gens sérieux qui viennent lui parler de musique classique. Il dit son admiration pour l'équipement des salles, de l'extrême nord à l'extrême sud, même dans les petites villes. Il constate que l'infrastructure et les connaissances musicales sont égales sinon supérieures à celles de l'Allemagne fédérale et prédit que là encore, "le Japon va dépasser tout le monde".
Les écoles de musique, en effet, se multiplient, et les concerts prolifèrent à un rythme soutenu. Pour le classique, le jazz, les variétés, Tokyo est plus que jamais une étape obligée. La plus lucrative. De surcroît, depuis la "guitare espagnole" jusqu'à l'orgue de barbarie électronique, il devient difficile de trouver un instrument qui ne soit pas "made in Japan".
En écoutant Paul Mauriat vanter les qualités exceptionnelles de l'organisation et du public japonais - et sans doute aussi celles de ses cachets en yens reconvertibles - on comprend pourquoi il consacre désormais la quasi-totalité de ses tournées au pays du Soleil Levant. D'autant que ce soleil prend la forme de disques d'or: les producteurs nippons, habiles à jouer de la boulimie du public pour la musique importée et à prolonger le succès, achètent toutes ses compositions. En bons commerçants, ils mélangent les titres pour obtenir le maximum de combinaisons. Au fil des ans, ils ont sorti deux cent huit disques, dont ils ont vendu vingt millions d'exemplaires, uniquement au Japon.


e-mail: mail@paulmauriat.ru


Сайт разработан в IT-студии Ольги Коньковой